La Métathéâtralité dans “L'Avare” et “Fleabag” (Metatheatre in Moliere’s “The Miser” and “Fleabag”)

May 2, 2025

La fiction peut nous aider à notre connaissance de la réalité. Nos histoires de fiction servent souvent comme miroir de notre vie et de notre société. Parfois, la fiction n’est pas seulement un miroir, mais une source consciente de critique. Une technique pour engendrer ce critique c’est le métathéâtre, quand l'œuvre délibérément démolit des murs entre la fiction et la réalité. Cet essai va explorer comment le métathéâtre fonctionne dans deux pièces: L'Avare, une comédie classique écrite par Molière au XVII siècle, et Fleabag, une comédie dramatique contemporaine écrite par Phoebe Waller-Bridge. A travers ces deux pièces, je vais montrer comment le métathéâtre, particulièrement la transgression du quatrième mur, peut révéler des personnages faillibles et critiquer les spectateurs eux-mêmes. Tandis que Molière utilise le métathéâtre pour révéler l’avarice de son protagoniste, Phoebe Waller-Bridge l’utilise pour nous créer une proximité émotionnelle avec sa protagoniste. Bien que ces deux pièces dépeignent un portrait différent, les deux employant la transgression du quatrième mur pour mettre en lumière l’hypocrisie dans la société.  Dans l’ensemble, cette analyse va révéler comment le métathéâtre peut dépasser la frontière entre le fictif et la réalité pour créer des critiques également comiques et puissants. 

Il y a toujours des règles qui existent dans la fiction pour convaincre les spectateurs que quelque chose de fabriqué est vrai. On dit souvent d’un bon livre ou film que nous sommes perdus dans le récit, que les personnages rassemblent quelqu'un de vrai, qu’on peut nous imaginer exister dans le cadre de l‘histoire. Mais il existe aussi la possibilité de rompre avec ces règles intentionnellement. Parfois, des écrivains essaient explicitement de diriger notre attention à la construction d’une intrigue d'emblée de jeu posée comme fictive. Dans le théâtre, cette technique s’appelle le métathéâtre. L'idée de métathéâtre peut être retrouvée dans le théâtre pendant des décennies. Un appareil populaire de la métathéâtre s’appelle < la transgression du quatrième mur.> Cette idée date du dix-huitième siècle des écritures du philosophe Denis Diderot. Dans son ouvrage Paradoxe sur le comédien (1773), Diderot décrit un mur imaginaire qui sépare les acteurs des spectateurs, qu’il s’appelle le quatrième mur. Selon lui, il est parfois possible de traverser intentionnellement ce mur pour communiquer avec les spectateurs. 

Bien que Molière ait vécu cent ans avant que Diderot ait écrit ses œuvres, le métathéâtre et la transgression du quatrième mur sont présents dans ces pièces. Ses œuvres sont toutes focalisées sur la société dans laquelle ils sont écrits. Dans ce cadre, le métathéâtre permet de réfléchir aux rapports entre représentation théâtrale et réalité. Dans une de ses pièces, L'Avare, le protagoniste parle directement aux spectateurs. L'Avare conte l’histoire d’Harpagon, un veuf obsédé par l’argent et l'idée que son argent lui sera volé. Son avarice lui rend aveugle aux choses qui se passent dans sa propre maison. A son insu, son fils, Cléante, qui est l’amant de Marianne, c’est avec celle-ci qu’Harpagon espère se marier. De plus, Harpagon ne sait pas que sa fille Elise est l’amante de Valère, un jeune homme qui travaille pour lui comme intendant. L'aspect comique vient du fait que Harpagon nous parle directement de sa perspective, mais nous les spectateurs jouissent du privilège de l’ironie dramatique. C'est-à-dire que la perspective d’Harpagon ne reflète pas notre connaissance de la réalité.

Dans une scène, Harpagon explique ces pensées à travers l’argent: <<Certes, ce n'est pas une petite peine que de garder chez soi une grande somme d'argent; et bienheureux qui a tout son fait bien placé, et ne conserve seulement que ce qu'il faut pour sa dépense...>> Il est interrompu quand Cléante et Elise entrent dans la chambre. Harpagon crie, <<Ô Ciel ! Je me serai trahi moi-même. La chaleur m'aura emporté ; et je crois que j'ai parlé haut en raisonnant tout seul. Qu'est-ce ?>> Harpagon ne parle pas à un autre personnage, mais directement à nous même. Il semble que personne sur scène ne l'entende. Harpagon est assez paranoïaque qu’il pense que ces jeunes gens sont là pour voler l’argent. Il n’est pas conscient que ses enfants sont plus occupés par ses relations avec des gens qu’avec l’argent.Voilà la transgression du quatrième mur peut révéler l'intériorité d’un personnage. 

Une autre pièce, Fleabag, emploie des techniques de métathéâtre dans quelques manières similaires et différentes que L'Avare. Fleabag c’est une pièce originellement écrite en 2013 et adaptée comme série en 2016. Cette comédie-noire, écrite et jouée par Phoebe Waller-Bridge, conte l’histoire d’une femme à Londres à un moment où ses relations amicales, familiales et romantiques echouent apres la mort de sa meilleure amie. Dans Fleabag, la protagoniste (que nous connaissons simplement comme ‘Fleabag’) transgresse souvent le quatrième mur explicitement à nous s’adresser directement. Fleabag  est aliénée de sa famille et sa seule amie est morte, donc nous les spectateurs sommes en réalité sa seule relation stable. Dans la série, les adresses directes servent de confession; la protagoniste se confesse, mais elle essaye aussi de contrôler sa propre narration à travers ses monologues. Bien qu’elle parfois perdre contrôle de sa propre histoire, elle se révèle simultanément vulnérable et faillible. Elle est souvent cruelle et manipulatrice, mais l'adresse directe crée de l’empathie pour sa position. De plus, les techniques métathéâtrales créent un sentiment de complicité avec le protagoniste. Par exemple, dans le quatrième épisode de l’adaptation télévisuelle de la pièce, Fleabag parle à une thérapeute. Après avoir écouté son témoignage, la thérapeute dit qu’elle est, <<Just a girl with no friends and an empty heart… By your own description.>> Fleabag repondre: <<I have friends,>>  et la thérapeute demande, <<Ah, so you do have someone to talk to?>>  Fleabag répond alors avec désinvolture, <<Yeah,>> puis elle fait un clin d'œil entendu à la caméra, et donc aux téléspectateurs. C’est alors que ceux-ci sont révélés comme ses seuls confidents, et qu’ils sont admis à faire pleinement partie de la diégèse. Mais cet épisode crée aussi un sentiment inconfortable parce que nous savons que Fleabag n’est pas complètement honnête avec sa thérapeute. La métathéâtralité à communiquer la complexité d'une personnalité, comme des situations où une personne peut se trouver. 

Bien que ces deux œuvres dépeignent un tableau assez différent, elles ont aussi des similitudes notables. En particulier, dans chacune d’elles, les spectateurs deviennent des confidents pour deux personnes très faillibles, et nous devenons les témoins de leurs défauts. Harpagon et Fleabag ont des relations tendues ou aliénées avec les gens dans leur monde, donc ils tournent vers les spectateurs pour se trouver de la sympathie. Ces deux œuvres utilisent la métathéâtralité pour donner aux spectateurs la capacité à un protagoniste faillible. Mais la construction des deux œuvres et des deux protagonistes a un but assez différent. Bien que Phoebe Waller-Bridge utilise le métathéâtre pour créer l’empathie pour Fleabag, Molière l’utilise pour révéler les mauvaises intentions d’Harpagon. Molière et Phoebe Waller-Bridge employaient la métathéâtralité pour créer deux critiques différentes. Molière veut que les spectateurs regardent à l'extérieur, c'est-à-dire la société autour de lui. À l'inverse, Phoebe Waller-Bridge veut que les spectateurs regardent à l'intérieur, c'est-à-dire réfléchir sur eux-même. 

L'Avare commence avec deux scènes entre Cléante, Élise et Valère. Mais le première fois qu’on voit à Harpagon, et puis le premier moment de transgression du quatrième mur, se passe dans le Scene III. Le ton change immédiatement quand Harpagon entre avec le valet de son fils, La Flèche. Harpagon fait des accusations absurdes contre La Flèche. La Flèche dit: <<Qu'est-ce que je vous ai fait ?>> Puis Harpagon répond: <<Tu m'as fait que je veux que tu sortes.>> Pendant leur conversation Harpagon fait parfois des commentaires en aparte, comme <<J’enrage.>> Mais même si Harpagon nous parle directement, nous sommes plutôt du côté de La Flèche. À notre avis, Harpagon est un vieillard fou et mechant. Plus tard dans la pièce, La Flèche résume bien son personnalité: 

Le seigneur Harpagon est de tous les humains l'humain le moins humain, le mortel de tous les mortels le plus dur et le plus serré. Il n'est point de service qui pousse sa reconnaissance jusqu'à lui faire ouvrir les mains. De la louange, de l'estime, de la bienveillance en paroles et de l'amitié tant qu'il vous plaira ; mais de l'argent, point d'affaires. Il n'est rien de plus sec et de plus aride que ses bonnes grâces et ses caresses ; et donner est un mot pour qui il a tant d'aversion, qu'il ne dit jamais : Je vous donne, mais : Je vous prête le bonjour.

L’utilisation de métathéâtre dans L'Avare révèle l'intériorité extraordinairement inhumaine du protagoniste. Dans L'Avare, cette révélation passe par l’humour. Le spectateur se rend compte de l’ignorance d’Harpagon par rapport à l'intrigue qui se passe autour de lui. Nous sentons aussi un fort désir de nous distancer de lui. Harpagon nous parle directement, mais nous ne ressentons pas d’empathie ni de compassion pour lui. 

Fleabag fait presque l’inverse: le caractère faillible du protagoniste fonctionne différemment. Par exemple, dans le première épisode de l’adaptation cinématique, Fleabag et sa sœur vont a un conférénce féministe. La conférencière commence par dir: <<Please raise your hands if you would trade five years of your life for the so-called perfect body.>> Fleabag et sa sœur sont les seuls gens dans l’auditorium qui lèvent les mains. Elles descendent leurs mains honteusement. Puis Fleabag chuchote <<I think we’re bad feminists.>> Ici, Fleabag fait quelque chose qui n’est pas en accord avec les valeurs féministe qu’on suppose les spectateurs soutiennent. Mais il y a toujours une sorte d’honnêteté de Fleabag. Elle révèle quelque chose sur nous même parce que la métathéâtralité nous permet de s’identifier avec elle. Fleabag a ses défauts extrêmes, mais nous les spectateurs nous rendons compte de nos propres défauts ou des nos pires pensées en prenant connaissance des siens, qu’elle confesse avec sincérité. 

 A travers une analyse de la transgression du quatrième mur dans ces deux pièces, c’est évident que Molière et Phoebe Waller-Bridge utilisent le technique de métathéâtre d’un moyen très différent. Le métathéâtre nous apporte sympathie pour la protagoniste dans Fleabag, et la haine pour le protagoniste dans L’Avare. Mais ces deux pièces se demandent toujours d'être examinées en comparaison. Les deux pièces emploient le métathéâtre pour révéler un personnage de manières différentes, mais avec un but commun. Les deux pièces révèlent quelque chose de pertinent sur des systèmes et valeurs sociaux dans le vrai monde. Les deux dramaturges veulent que les spectateurs examinent les règles sociales dans la société dans lesquelles ils vivent. 

Précisément, les deux pièces se moquent de l’hypocrisie, particulièrement de l'hypocrisie des bourgeois et des valeurs bourgeoises. Une autre similarité notable entre ces deux écrivains qui ont écrit et vécu des centaines d'années de distance c’est le motif de la religion. Molière et Phoebe Waller-Bridge traitent de l'Eglise catholique, et des systèmes sociaux l'Eglise a créé, dans un manière également irrévérencieuse. 

Dans le monde de Molière, la France du dix-septième siècle, la classe bourgeoise était obsédée par l’argent et leur statut social. Presque toutes les pièces de Molière parlent de l’hypocrisie du bourgeois qui est en quête de la richesse et de la vie aristocratique. Dans L'Avare, Molière montre qu’Harpagon sacrifie son humanité et son rôle comme père à cause de son obsession Il s’occupe de sa cassette où il cache l’argent avec une tendresse généralement réservé par la famille. On apprend que l’argent d'Harpagon est le remboursement d’un emprunt. Au dix-septième siècle, les règles concernant l’argent étaient liées à l'église. Pendant cette époque, l'emprunt avec intérêt était interdit par l'Eglise catholique. Alors Molière critique Harpagon et l'Église en même temps. Dans l’adaptation filmique de 1986 de la pièce, l'église catholique c’est représentée par un figure habillée de noire. A la fin du film, Harpagon voyage avec sa cassette. Mais il est suivi par la figure noire qui porte un sac avec de la monnaie, en demandant un don.Le metteur en scène du film, Louis de Funès, présente ainsi L'Église comme aussi avaricieuse qu’Harpagon. 

Phoebe Waller-Bridge adapte la tradition d'utiliser le théâtre comme critique sociale pour la vie contemporaine. Fleabag traite souvent les mêmes thèmes d'une perspective différente. Waller-Bridge se situe dans le monde du vingt-unième siècle en Angleterre. Les valeurs bourgeoises ont beaucoup changé depuis l'époque de Molière, mais l'hypocrisie est toujours là. L’histoire de Fleabag montre la difficulté parfois insupportable d’exister comme femme dans ce monde. De loin, la protagoniste a une famille bourgeoise contente, mais en vrai elle est distancée de sa sœur et de son père, et elle déteste sa belle-mère. De plus, la vie bourgeoise ne lui donne pas les outils dont elle a besoin pour faire le deuil de sa mère ou de sa meilleure amie. Finalement, Fleabag transgresse souvent des normes hypocrite imposées aux femmes. Elle et obsedee par le sexe dans un societe qui la sexualise, mais elle est et toujours jugé par ses choix. Le résultat est que Fleabag se comporte souvent d'une manière qui blesse les autres ainsi qu'elle-même. 

De plus, dans Fleabag, le métathéâtre est explicitement lié au catholicisme. Le transgression du quatrième mur fonctionne comme confessionnal catholique. Ce parallélisme est est manifesté aussi bien esthétiquement que narrativement. Premièrement, l’affiche de série montre Fleabag comme une sainte ou martyr. Une lumière illumine sa tête comme dans les peintures religieuses. Avant de regarder la série, les spectateurs sont prêts pour voir cette liaison. Mais ce traitement irrévérencieux du religieux devient encore plus explicite dans la deuxième saison, ou Fleabag se tombe amoureuse d'un prêtre catholique. Dans un moment particulièrement frappant, il s'apparaît que le prêtre peut entendre quand Fleabag transgresse le quatrième mur.

Par conclure, ces deux pièces, L'Avare par Molière et Fleabag par Phoebe Waller-Bridge emploient le métathéâtre pour donner à leurs spectateurs connaissance d’un protagoniste faible. L'Avare emploie la transgression du quatrième mur pour mettre les spectateurs en garde contre Harpagon, bien que Fleabag l'utilise pour nous porter l'empathie vers Fleabag. Bien que ces deux œuvres dépeignent un portrait assez différent, ils ont aussi des similitudes notables. Les deux pièces utilisent le métathéâtre pour critiquer l’hypocrisie et les valeurs bourgeoises, en provoquant une réexamination de la société. 

Le théâtre, la fiction, sont toujours des illusions. Mais la faible frontière entre la réalité et la fiction permet à des écrivains de critiquer les spectateurs et la société. À Travers la métathéâtralité, la fiction peut nous conduire au plus proche de notre réalité.

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